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Inquiétudes sur l'avenir du spatial militaire français par le général (2s) Testé


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http://defense.blogs.lavoixdunord.fr/archive/2018/01/11/inquietudes-15535.html

Le général (2S) de brigade aérienne Jean-Daniel Testé, ancien commandant interarmées de l'espace entre 2014-2017 (remplacé depuis septembre par le général Jean-Pascal Breton), nous fait l'honneur de livrer son analyse autour de la politique spatiale militaire de la France

(photo d'un satellite CERES d'écoute électromagnétique).

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Ce commandement, sous l'autorité du CEMA, reste assez peu connu mais essentiel par bien des aspects. Notre pays a-t-il assuré l'avenir de ses ambitions spatiales ? Comment faut-il protéger nos satellites de futurs agressions ? Doit-on se préparer aux opérations spatiales ? Le général Testé s'inquiète et s'engage dans une longue, passionnante et fouillée analyse...

L’avenir du spatial militaire

Les deux derniers livres blancs pour la Défense et la sécurité ont chacun mis en exergue l’importance des capacités spatiales. Néanmoins, aujourd’hui, la place des satellites s’est normalisée et les services spatiaux sont considérés comme un acquis définitif. Face aux enjeux majeurs qui accaparent les armées, la tentation pourrait être forte de baisser la garde. Les satellites, bien qu’instruments essentiels de nos armées dans la connaissance des ennemis et dans la conduite des opérations (Daech au Levant, AQMI et consorts au Sahel), ne sont plus vraiment  perçus comme tels.

Certes, les capacités principales, directement utiles aux opérations, devraient être renouvelées. Mais la préparation du long terme n’est pas assurée, en particulier en ce qui concerne les ressources humaines.

Le domaine spatial entre dans une phase de mutation de grande ampleur, dont les conséquences stratégiques, si elles sont difficiles à mesurer dans le domaine de la Défense, seront certainement majeures pour le statut de puissance de la France si nous ne les anticipons pas dès maintenant.

Un " New Space " militaire ?

Le " New Space " s’exprime pour l’instant principalement dans le milieu civil et commercial. Toutefois ses principales applications auront également des conséquences dans le domaine de la Défense et de la sécurité, ainsi : l’effet de série induira une baisse des coûts des satellites et une démocratisation large de l’accès à ces technologies ; la miniaturisation des techniques apportera une amélioration des performances des petits satellites (observation, télécommunications...) ; la multiplication de l’offre des lanceurs légers et la baisse du coût de lancement faciliteront l’accès à l’espace à de nouveaux acteurs étatiques ou pas.

La rivalité des grandes puissances s’exacerbe à nouveau dans le monde. L’espace, perçu par toutes comme un milieu stratégique, est un domaine où cette rivalité s’exprime fortement. On assiste à des manœuvres spatiales de grande ampleur : augmentation des lancements ; expérimentation de nouvelles technologies potentiellement agressives ; constitution d’unités dédiées à la guerre spatiale (armes anti-satellites) ; déploiements et mouvements de satellites.

La Défense doit se positionner face à ces évolutions.

Soit l’espace est considéré comme un simple soutien et on se contente d’en utiliser ses applications, principalement l’observation, l’écoute et les télécommunications. On en resterait alors au concept " VEC " des années 90, VOIR, ECOUTER, COMMUNIQUER. On se cantonnerait au rôle des puissances spatiales mineures, laissant le champ libre en Europe et dans le monde à des pays plus ambitieux.

Soit, percevant l’espace comme un outil stratégique majeur qui participe au statut de la France comme puissance mondiale de premier plan, la Défense décide d’investir pleinement ce domaine, de protéger et de pérenniser les satellites opérationnels et de se garantir la liberté d’accès et d’usage de ce milieu.

La dépendance des opérations militaires et de nos systèmes d’armes des capacités spatiales est avérée, à un point que la réussite des missions de guerre et les performances de nos armes ne seraient pas garanties sans soutien spatial. Or, conçus il y a près de 10 ans, nos systèmes spatiaux sont vulnérables et sans défense.

C’est pourquoi, la deuxième option doit être choisie sans hésitation. Elle nécessitera un effort certain mais mesuré en comparaison des gains escomptés. Il s’agit de moderniser et de compléter les systèmes de surveillance de l’espace afin de pouvoir disposer sur toutes les orbites, des éléments suffisants d’appréciation autonome de situation. Autrement dit, de pouvoir dans des situations particulières de conforter les données américaines par des données nationales.

Protéger nos satellites

En cas de risque ou de menace avéré contre un de nos satellites opérationnels, la situation devra pouvoir être présentée à l’Etat-major des armées à partir du centre des opérations Espace à des fins de décision. A moyen terme (2020), il conviendra de pouvoir agir pour la protection de nos capacités en orbite

Si l’analyse de situation fait apparaître une menace contre un de nos satellites opérationnels, les différents maillons de la chaîne SSA de la Défense devront pouvoir préparer les différentes options possibles afin de mettre le satellite en sécurité.

Les systèmes spatiaux qui seront opérationnels à l’horizon envisagé (2020) ne disposeront pas tous de système d’autodéfense. Il n’y aura que deux options pour les mettre en sécurité : la démarche diplomatique contre l’état propriétaire du système agresseur; la manœuvre d’évitement.

Les segments sol des systèmes spatiaux ainsi que les systèmes d’information correspondants devront être protégés contre les attaques cyber et durcis contre les attaques conventionnelles au sol. A plus long terme (2030), il conviendra d’envisager les premières opérations dans l’espace ou vers l’espace. Les nouveaux satellites devront incorporer des dispositifs d’autoprotection.

Butiner, attaquer, dissuasion spatiale

Dans une logique de posture dissuasive, la Défense devra être dotée de moyens d’action dans ou vers l’espace : satellites butineurs pour améliorer la connaissance de la situation ; satellites offensifs, capables de désorbiter ou de perturber des agresseurs ; brouilleurs électromagnétiques au sol ou embarqués ; illuminateurs laser au sol ou embarqués.

Le mode d’action mis en œuvre sera conforme aux engagements internationaux de la France et en particulier, ne devra pas produire de débris spatiaux.

Vers des opérations spatiales

Ce constat et ces propositions vont paraître décalées et dérangeantes car à l’heure où l’engagement de nos forces en opérations extérieures est extrême, les priorités sont ailleurs. La Défense est-elle condamnée à toujours sacrifier le futur au profit d’un présent qui témoigne cruellement des lacunes que l’on n’a pu anticiper quinze ans avant ?

A l’heure du changement, il est plus que temps de rompre ce cycle vicieux, sortir de son confort et de ses habitudes, pour mieux penser l’avenir quitte à prendre des risques. Dans le domaine spatial nous allons vers les opérations spatiales ; on doit s’y préparer, écrire la doctrine, établir les processus opérationnels et décisionnels, recruter et former le personnel puis s’entraîner. Il en va de notre liberté d’action dans ce domaine stratégique et de notre capacité à conduire des opérations traditionnelles avec le même niveau de performance.

Général (2S) de brigade aérienne Jean-Daniel Testé, ancien commandant interarmées de l'espace.

Ya Rab Yeshua.

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