Qu'est ce qui pousse quelqu'un à dire la vérité alors que celle-ci n'est pas dans son intérêt ? Vaste question qui transcende largement la simple problématique d'un questionnaire médical, celui-ci n'étant qu'une illustration, pour se porter sur celle du rapport avec la vérité.
Ayant étudié partiellement la psychologie criminelle dans le cadre de mes études, je dirais, selon mon point de vue, que cela tient surtout de l'éducation et du rapport que l'on du bien par rapport au mal. Freud avait posé le principe selon lequel l'honnêteté affichée tient d'un déséquilibre entre le ça et le sur-moi au profit de ce dernier. Michel Foucault pour sa part avait observé que les individus introduits dans des institutions disciplinaires (école, prison, armée) se conforment naturellement aux codes et consignes (chose qui a été mise en pratique par Milgram dans ses fameuses expériences).
En conjuguant tout cela, on peut dire qu'il faut un ça extrêmement développé, et donc abstraitement peu adapté aux impératifs de la vie militaire, pour aller à l'encontre d'une consigne que l'on sait capital. Si l'on ajoute à cela l'âge relativement jeune des recrues, et donc implicitement un manque de recul utilitariste et une prédisposition à se conformer aux règles, mentir face à un médecin militaire devient un exercice particulièrement complexe.
Il n'est donc pas étonnant (et je l'ai personnellement observé lors de mon propre passage en GRS), de voir arriver benoitement de jeunes recrues, carnet de santé émaillé de moult pathologie et radiographies montrant de belles broches et fractures sous le bras, avant de repartir le lendemain dépité pour inaptitude définitive.
Pourtant, et c'est le paradoxe, nombreux sont les CeR qui conseillent de ne pas trop en dire lors du passage en GRS. Même si le conseil est contestable, il faut dire que depuis quelques années les causes d'inaptitudes ont été renforcées, notamment en relevant les barèmes du SYGICOP. L'instruction 2100, qui est la bible des médecins militaires, prouve que la moindre affliction peut désormais mener à bien des inaptitudes. Malgré cela, beaucoup de candidats pris dans le circuit de la DEI passent outre ces recommandations et se font recaler ... Preuve que Foucault et Milgram avaient raison !
Au final, je pense que c'est de la responsabilité morale de chaque candidat de savoir ce qu'il veut dire car, au final, c'est sa santé personnelle dont il est question, et l'armée ne peut être responsable d'un dommage qui trouve son origine dans le faute personnelle de l'agent.