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La recherche de l’épave de la Minerve a mis en avant les lacunes de la Marine pour la « guerre des abysses »


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Jusqu’à la publication de la Revue stratégique actualisée, en janvier, le « Seabed Warfare » [guerre des fonds marins] n’était évoqué en détail que du bout des lèvres. Ou, du moins, il n’avait pas forcément vocation à l’être publiquement.

« Je pense que, dans une enceinte peut-être un plus refermée, nous pourrions évoquer ces sujets assez confidentiels », avait ainsi répondu Florence Parly, la ministre des Armées, à un sénateur qui l’interrogeait sur les menaces potentielles concernant les câbles sous-marins, par lesquels transitent plus de 95% des données échangées entre les réseaux de télécommunication mondiaux.

« Les fonds marins deviennent également de plus en plus un terrain de rapports de force [seabed warfare], avec notamment l’enjeu clef des câbles sous-marins », a donc relevé la Revue stratégique actualisée, sans en dire davantage sur ce sujet…

Sujet qui sera succinctement abordé par la Marine nationale, dans son plan stratégique « Mercator Accélération 2021 », précisant que « la maîtrise des fonds marins […] constitue désormais un domaine prioritaire », lequel « fait déjà l’objet d’une réflexion stratégique et d’études capacitaires qui seront poursuivies activement ».

Cependant, la guerre des fonds marins n’est pas un domaine nouveau, la Royal Navy ayant en effet coupé les câbles télégraphiques sous-marins allemands durant la Première Guerre Mondiale… Et c’est d’ailleurs au Royaume-Uni que la question d’un possible sabotage [et d’espionnage…] des câbles de télécommunications a récemment été largement évoquée, après la publication d’un copieux rapport sur ce sujet. Ce qui a abouti, en mars, à l’annonce de la mise en service, d’ici 2024, d’un navire conçu pour assurer leur protection.

D’autant plus que les manoeuvres de certains pays autour de ces câbles sous-marins intriguent. Par exemple, les mouvements du navire russe Yantar interrogent…

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Et, en 2016, il fut rapporté qu’un sous-marin « espion », également russe, avait été repéré dans le golfe de Gascogne, qui, pour rappel, est traversé par un câble de télécommunications reliant l’Espagne au Royaume-Uni. Le BS-64 Podmoskovye fut alors suspecté, ce SNLE [sous-marin nucléaire lanceur d’engins, ndlr] ayant été transformé pour servir de bateau-mère au sous-marin nucléaire Losharik, capable d’opérer à de très grandes profondeurs.

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À noter que l’US Navy n’est pas en reste dans ce domaine, avec son sous-marin nucléaire d’attaque [SNA] Jimmy Carter…

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Visiblement, cet intérêt pour les câbles sous-marins situés au large des côtes françaises est toujours aussi vif, à en croire l’amiral Pierre Vandier, le chef d’état-major de la Marine nationale [CEMM].

« Nous nous sommes aperçus que des étrangers montraient un intérêt particulier à naviguer au large de nos côtes, juste à la verticale de câbles sous-marins », a-t-il en effet affirmé, lors d’une audition à l’Assemblée nationale [le compte-rendu vient d’être publié, ndlr].

« Une douzaine de gros câbles sont actuellement déployés sur les fonds sous-marins par les GAFA en Atlantique. […] Il y a là des enjeux en termes de renseignement et de surveillance de fonds sous-marins, car ces câbles peuvent être utilisés aussi à des fins de détection. Des travaux universitaires soulignent le fait que les technologies de fibres optique employées dans ces câbles leur confèrent la capacité de détecter des séismes mêmes très faibles et donc pourquoi pas de détecter le passage de sous-marins », a ensuite expliqué l’amiral Vandier.

S’agissant, justement, de la surveillance des fonds marins, les États-Unis sont à la pointe, avec leur réseau d’hydrophones SOSUS, déployé durant la Guerre Froide pour suivre les mouvements des sous-marins soviétiques. Réseau qui a été constamment modernisé et qui fonctionne encore de nos jours. La Russie et la Chine ont des projets similaires, avec respectivement le programme « Harmony », destiné à l’Arctique, et « Grande Muraille » qui, souligne Cols Bleus, est aussi « axé sur la recherche de minerais, la cartographie et les enjeux de souveraineté ».

En outre, d’autres enjeux entrent en ligne de compte, comme l’exploitation des fonds marins ou encore la récupération d’objets sensibles. D’ailleurs, c’est lors des opérations menées pour retrouver le sous-marin « Minerve », disparu en Méditerranée, en janvier 1968, que la Marine nationale a pris conscience de ses lacunes capacitaires dans ce domaine.

« C’est à l’occasion des opérations de recherche de l’épave du sous-marin Minerve que nous avons pris conscience du décrochage capacitaire subi ces dernières années dans ce domaine », a confié l’amiral Vandier aux députés. En effet, a-t-il continué, « les moyens de l’État – c’est-à-dire ceux de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer [IFREMER], ceux de la Marine nationale, etc. – ne permettaient d’explorer que 2 milles nautiques carrés par jour. Nous avons donc dû avoir recours à une société américaine qui en couvrait 60 par jour ».

Aussi, « pour une puissance mettant en œuvre des sous-marins nucléaires d’attaque ou lanceurs d’engins, disposer de capacités d’intervention et de sauvetage sur les fonds marins fait partie des outils de crédibilité », a estimé l’amiral Vandier. Sur ce point, les États-Unis ont plusieurs longueurs d’avance : en 1968, le sous-marin USS Halibut avait été en mesure de photographier l’épave du SNLE soviétique K-129, reposant à près de 5’000 mètres de profondeur, après avoir été victime d’un incident dont les causes n’ont jamais été officiellement dévoilées.

Ces prises de conscience des insuffisances de la Marine nationale à opérer dans les fonds marins justifient donc les mesures prises dans le cadre de l’ajustement de la Loi de programmation militaire [LPM] 2019-25.

« Notre stratégie recouvre donc plusieurs aspects », détaillé l’amiral Vandier. « Concernant la protection des câbles sous-marins et des données, nous travaillerons en coopération avec nos alliés. Cet enjeu s’inscrit dans le prolongement de la guerre des mines [programme SLAMF, pour système de lutte anti-mines du futur, ndlr] ». Et d’ajouter : « La guerre des mines va de 0 à 200 mètres, mais certains objets très efficaces, comme les véhicules autonomes sous-marins – Autonomous Underwater Vehicles [AUV] -, tels que des gliders, sont capables de mener des missions à des profondeurs beaucoup plus grandes ».

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Puis, a poursuivi le CEMM, « nous devons être capables de récupérer, avant que d’autres ne le fassent, certains débris sensibles issus de tirs en mer [comme ceux des missiles M51?] » et « nous avons besoin de développer des solutions alternatives à la radionavigation non seulement pour nos sous-marins mais aussi pour nos bateaux ».

« Une meilleure connaissance de la cartographie des fonds sous-marins, que ce soit leur relief ou certaines anomalies physiques, permet de recaler la navigation sans avoir besoin du Global Positioning System [GPS] ou du Galiléo européen. Plus largement, cela permet l’accès aux ressources naturelles et à leur protection – je pense notamment aux nodules sous-marins », a développé l’amiral Vandier.

Concrètement, l’ajustement de la LPM permettra d’acquérir assez rapidement une « première capacité exploratoire nationale », qui reposera, a indiqué l’amiral Vandier, sur un véhicule autonome sous-marin et un drone sous-marin téléguidé [ROV – Remotely Operated underwater Vehicle] pouvant descendre jusqu’à 6’000 mètres de profondeur.

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« L’objectif est d’obtenir assez vite une fiche de caractéristiques militaires complémentaires pour en intégrer sur le premier des nouveaux bâtiments destinés à la guerre des mines qui sera livré en 2026 », a expliqué le CEMM. « Avec des adaptations mineures, il incorporera, en parallèle du système de drones de guerre des mines SLAMF, des capacités à comprendre, à agir, si besoin, sur les câbles sous-marins et aussi à procéder au relevage d’objets dans les grands fonds », a-t-il conclu.

Enfin, cet ajustement aura des conséquences sur un autre programme de la Marine qui, pourtant, concerne cette « guerre des abysses ». En effet, le renouvellement des navires hydrographiques Lapérouse, Borda et Laplace, dans le cadre du projet CHOF [Capacité hydrographique et océanographique future], sera décalé d’un an.

Photo : Teledyne Marine

Ya Rab Yeshua.

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