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Former des troupes étrangères : une leçon à tirer du fiasco de l'Afghanistan ?


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http://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/archive/2021/08/18/retrait-d-afghanistan-22363.html

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La débandade de l’armée et de la police afghanes (300 000 hommes sur le papier) ces dernières semaines n'est pas sans rappeler celle de l'armée irakienne, en 2014 (soit trois ans après le départ des troupes US. Voir mon post du 3 septembre 2011), devant l'avancée des militants du groupe Etat Islamique (toutes les photos DoD).

En effet, il est difficile d'oublier que, malgré des milliards de dollars investis par le Pentagone dans l’équipement et la formation des soldats irakiens pendant une décennie, l'offensive d’un millier de djihadistes en pick-up a suffi pour faire fuir les unités de l'armée nationale qui ont abandonné leurs Humvee, leur MRAP et même leurs chars Abrams!

Si l'armée et la police irakiennes se sont volatilisées devant l'avance des islamistes alliés aux anciens baasistes, l'effondrement des forces de sécurité afghanes a été tout aussi spectaculaire et encore plus rapide. Cette débâcle a été abondamment commentée ces derniers jours, l'accent étant souvent mis sur le retrait final des Américains provoquant la cessation des opérations aériennes de soutien aux troupes gouvernementales et la fin de toute assistance logistique à des forces sous perfusion endémique depuis 20 ans.

Un tel retrait aurait précipité la déroute de l'ANA (armée) et de l'ANP (police), la reddition de nombreuses unités et la désertion pure et simple de milliers de soldats et policiers. 

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C'est oublier que le retrait en question ne date pas de ces derniers mois ni même du lancement des négociations entre Américains et Talibans qui ont conduit à l'accord de février 2020 (voir mon post du 21 février 2020). "It was years in the making" ("ça fait longtemps que ça a commencé") selon Bill Roggio, rédacteur en chef du Long War Journal.

Les chiffres parlent d'eux mêmes.

Côté forces US, les effectifs sont passés de 9700 hommes en décembre 2002, à 25000 en décembre 2007 puis 67000 en décembre 2009 avec un pic à 99800 à la mi-2011. Ces effectifs ont diminué ensuite : 46000 en décembre 2013, 16100 en décembre 2014, 8400 un an plus tard. Et 5200 en décembre 2017... 

Côté contractors, la baisse a été identique, comme en témoignent les posts réguliers sur Lignes de défense consacrés aux effectifs des contractors. L'étude du CRS : "Department of Defense Contractor and Troop Levels in Afghanistan and Iraq: 2007-2020" détaille aussi cette baisse graduelle et déjà ancienne. 

L'ultime retrait décidé par les administrations Trump et Biden ne constitue donc qu'une phase du processus de désengagement des troupes US (et otaniennes) dont la mission était double : un volet combat contre les talibans et l'EI en Afghanistan, un volet de formation des forces afghanes.

 

Cette dernière mission mérite, à mon sens, quelques commentaires.

On a cité ces derniers jours la faramineuses enveloppe que Washington a consacrée à la mise sur pied de l'armée et de la police afghane: 83 milliards de dollars!

C'est le montant mis en avant par l'US Special Inspector General for Afghanistan Reconstruction et que rappelle Tara Copp dans Defense One avant de s'interroger sur l'effondrement "si rapide" des forces afghanes: "Why did They Collapse so Quickly?".

Certes, pour lui répondre, il faut prendre en compte ce qui prévalait aussi en Irak en 2014: la corruption, le népotisme, l'incompétence... TV5 Monde citait en décembre 2014 un habitant de Kirkouk, ancien de la Garde nationale irakienne: "Dans l’armée irakienne, en tant que soldat, tu n’as aucun droit. Ils ne payent pas les salaires. Côté logistique, c’est zéro. Côté équipements, tout est volé, tout le monde vole. Il n’y a aucune discipline et ils ne gèrent pas correctement les troupes, on te mute n’importe où, contre tes envies, loin de ta ville et de ta famille". Autant de travers qui, tant en Irak qu'en Afghanistan, ont exacerbé le manque de combattivité et le pauvre moral des soldats et qui, conjugués à un double déficit en leadership et en équipement, explique en partie l'effondrement des forces gouvernementales face à des adversaires asymétriques mais motivés.

Formation, l'échec
A l'évidence, le gigantesque effort de formation entrepris par le Pentagone et le Département d'Etat dans les deux pays n'a pas payé et Tara Copp insiste bien sur ce paramètre majeur dans son article.

Kori Schake, dans un autre texte publié lui aussi par Defense One, pose également la question: "Why the Afghan Army Folded America has historically struggled to train foreign militaries". Elle aussi s'interroge sur la réelle capacité de l'institution militaire US à former (et à faire former via des contractors comme DynCorp) les armées d'autres nations.

 

Aux questions des deux journalistes, les réponses ne manquent pas mais elles ne sont pas nouvelles.

Ainsi Dan Grazier, un ancien Marine et chercheur associé au Project on Government Oversight (POGO où l'on peut lire un éclairant sujet sur le rôle du Pakistan dans la défaite US), a toujours critiqué le manque de vision du Pentagone qui a confié à de trop nombreux détachements tournants (US et otaniens) la tâche de former des forces de sécurité afghanes ou qui a externalisé à des ESSD cette mission de formation (photo ci-dessous avec un formateur de DynCorp). Le tout sans vision ou continuité, en calquant la constitution, l'entraînement, l'équipement et le fonctionnement de ces forces sur celles des unités occidentales.

 

Ce dernier argument est aussi celui de Bill Roggio, le rédacteur en chef du Long War Journal et membre de la Foundation for Defense of Democracies. Pour lui les Américains ont voulu former les Irakiens et les Afghans à leur image. Avec un commandement national centralisé, avec des modes opératoires occidentaux. "On a cru que des Humvees, des tanks, de l'artillerie et des hélicoptères suffiraient pour en faire des forces compétentes..." Erreur fatale! Echec total, selon Roggio.

A écouter: l'épisode 55 de la série "Afghanistan Falls" où Roggio dissèque la chute de Kaboul. Il rappelle tout ce qui a été écrit en 20 ans sur le site Long War Journal sur les errements politiques et militaires US en Afghanistan. Et il y revient sur l'échec de la formation des forces de sécurité afghanes. 

On se souviendra de l’optimisme béat et de l’autosatisfaction du général William Caldwell IV en juin 2011 quand il s’était vanté d’avoir transformé des bandes de va-nus-pieds afghans en des soldats professionnels capables d’écraser les talibans

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Devant le Council on Foreign Relations, Caldwell avait déclaré : « Ils sont les mieux entraînés, les mieux équipés et les meilleurs de tous les soldats que nous avons formés. Et ils vont continuer à s’améliorer ». C'était sans compter sur les désertions, l'illettrisme, les vieilles rancunes tribales, la désillusion croissante des recrues, les inepties du commandement afghan et la politique du chiffre (tant du côté US que du côté afghan).

 

Une leçon afghane?
"Retrait annoncé de la force française sur le sol malien : faut-il s'attendre au même scénario qu'à Kaboul", titrait mercredi 18 août le journal Le Soir de Bamako, après l'effondrement subit du régime afghan face aux insurgés talibans après le retrait militaire américain. 

A cette question d'un confrère malien, je n'ai pas la réponse. Le retrait partiel des forces françaises a été décidé certes. Mais l'armée française ne quitte pas le Sahel. Par ailleurs, la MINUSMA et les formateurs de la mission EUTM Mali restent sur place et vont continuer leur mission. Il n'y a pas ni abandon ni renoncement.

Toutefois je crois qu'il y a dans l'échec US à former des forces armées étrangères des motifs de réflexion et d'inquiétude... Français et Européens forment les forces sahéliennes avec conviction. Tout comme, ils ont pris part à la formation des Irakiens et des Afghans. Mais le dévouement et le professionnalisme de bons formateurs militaires ne font pas tout. Et pas nécessairement de bons soldats étrangers. Mais ces derniers sont souvent d'abord victimes des errements de leur propre camp.

Ya Rab Yeshua.

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La formation des unités étrangères telles les forces irakiennes ou afghanes pour les exemples dont on parle est une vaste fumisterie. Le problème est que l'investissement est tel qu'il est inconcevable de dire la vérité.  La formation des unités  locales pour apporter autonomie et niveau de compétences pour "l'après" est surtout une obligation politique, à défaut on reconnaitrait implicitement une colonisation. Donc ça doit marcher point barre.  Et c'est pour cela qu'à chaque échelon hiérarchique , les retours n'ont qu'un seul son de cloche le fameux " tout va bien" . Qui va dire à son supérieur que ça ne marche pas alors qu'on veut entendre le contraire et qu'on lui dit que les autres y arrivent bien. C'est comme cela qu'en bout de chaîne  le général en chef se gargarise d'une réussite totale. La vérité elle est bien connue de tous ceux qui ont déjà œuvré en la matière et elle est très loin du compte.  A tous ceux du forum qui ont vécu ces missions de formation,  qui , avec honnêteté peut se dire qu'il pensait faire autre chose que du vent . 

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il y a une heure, Levy Pierre a dit :

Vous êtes dur pour les formateurs, SG5375 !

Du tout, au contraire, je suis compatissant. Je sais la difficulté d'avoir une mission dont on se rend bien compte qu'elle est vaine mais qu'il faut  quand même assurer parce qu'on a décidé que cela devait fonctionner.

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Je confirme , patrouille en jumelage par ci ... formation par la ... quand tu es la tout va bien car tu peux surveiller ou cadrer une action .

Mais quand tu n'es plus la , tu sais très bien que l'anarchie régimentaire reprendra le dessus .

Il y a aussi la corruption qui , un lieutenant bien formé mais trop "francisé" va être exclu du commandement pour prendre un "copain" à la place ... résultat après tu as une armée inutile .

Faut pas s'étonner qu'une fois partie , elle est incapable de se défendre , moyen ou pas .

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Je ne peux confirmer ni démentir que c'est une signature. 😶

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Il y a 11 heures, Stvn a dit :

Je confirme , patrouille en jumelage par ci ... formation par la ... quand tu es la tout va bien car tu peux surveiller ou cadrer une action .

Mais quand tu n'es plus la , tu sais très bien que l'anarchie régimentaire reprendra le dessus .

Il y a aussi la corruption qui , un lieutenant bien formé mais trop "francisé" va être exclu du commandement pour prendre un "copain" à la place ... résultat après tu as une armée inutile .

Faut pas s'étonner qu'une fois partie , elle est incapable de se défendre , moyen ou pas .

On est d'accord

Il y a 9 heures, Yann pyromane a dit :

Ce  sont ils même défendu face aux turbans noirs ? On a pas senti une grande opposition sans doute que les milliards de dollars déversés arrangeaient bien tous les partis.

Maintenant ils remontent régler les comptes avec le fils Massoud. Dans des blindés américains.

C'est ça ! Et parce que non content d'avoir fait du vent il y a eu en plus fourniture de matériel gratuit qui pourra servir contre les fournisseurs qui vont bientôt être obligés d'y retourner. Du beau boulot.

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Il y a 9 heures, Stvn a dit :

Tu crois que ma barbe pousse pour rien papy ?! ?

Ah c'est pour ça que tu te tape ce look moche alors! Tout s'explique! Enfin c'est pas avec tes 3 poils qui se battent en duel que tu vas te fondre dabs la masse ?

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“Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait.”

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  • 2 semaines plus tard...

Former des gens ne veut pas dire leur greffer des couilles.

Ces gens ont été formés, et désolée, ça marche.
Maintenant ils n'ont pas de couilles pour se battre et défendre leur pays, c'est leur problème, ce n'est pas le notre. La mission des formateurs est de former. Ces gens sont formés avec les moyens qu'ils ont et avec les moyens qu'on leur donne. Ce n'est pas la mission des formateurs d'en faire des héros ou des courageux, surtout que ce ne sont pas eux qui les recrutent.

On ne va pas me dire que les gus en face avaient une meilleure formation que ceux formés par les forces alliées... ce n'est pas le cas.
Le souci ici n'est nullement un problème de formation, mais bien un problème d'idéologie et volonté, ou peut-être même de courage, selon s'ils aiment bien les barbus aux idéologies défoncées ou pas.

On forme plein de militaires dans ce monde, souvent ça marche, forcément ils n'ont pas le même niveau de formation qu'un français ou un ricain, mais devinez, ça n'a jamais été le but de ces formations...

Déjà la mission en Afghanistan n'a jamais été de sauver le peuple ou leur faire des câlins ou même les libérer d'une quelconque dictature. La mission était de détruire l'ennemi, ce qui a été fait selon les critères de 2001.
Tout le reste n'a relevé que du politiquement correct. On s'y est même trop attarder à vouloir trop bien faire. Si eux, ils n'ont pas envie de vivre autrement et ne se battent pas pour vivre autrement, c'est leur souci. Ils vont revenir à leur vie de 2001, si ça leur chante.

Modifié par Malina
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"La guerre n'est rien d'autre que la continuation de la politique par d'autres moyens."

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