Aller au contenu
Aumilitaire
  • Rejoignez Aumilitaire

    Inscrivez vous aujourd'hui et recevez le guide gratuit Aumilitaire

     

“Un cadre plutôt qu’un carcan” : comment la FECS et la DEPCIA contribuent à élaborer la doctrine Scorpion


Messages recommandés

https://www.forcesoperations.com/un-cadre-plutot-quun-carcan-comment-la-fecs-et-la-depcia-contribuent-a-elaborer-la-doctrine-scorpion/

spacer.png

Que seraient les Griffon, Jaguar et autres systèmes d’information de nouvelle génération sans une doctrine ad-hoc ? Véritable “mode d’emploi opérationnel” des nouveaux matériels, la doctrine Scorpion est, depuis près de huit ans, élaborée et expérimentée par plusieurs intervenants au sein du Laboratoire du combat Scorpion. Zoom sur deux de ces “architectes”, la division étude prospective du commandement et du combat interarmes (DEPCIA) et la Force d’expertise du combat Scorpion (FECS), en compagnie de leur commandant respectif.

 

À la tête de la DEPCIA depuis l’été 2021, le colonel Loïc de Kermabon a auparavant servi durant deux ans en tant que chef de corps du Centre d’entraînement au combat – 1er bataillon de chasseurs à pieds – (CENTAC-1er BCP) de Mailly-le-Camp. Établie en 2017, la FECS est aujourd’hui commandée par le colonel Karim Ait Ali, après avoir été chef de corps du 40e régiment d’artillerie de Suippes de juin 2018 à juillet 2020. La FECS dispose d’un effectif de 28 personnes, dont la plupart arme le bureau opérations-expertise-RETEX (BOER).

 

DEPCIA, FECS, que cachent ces deux acronymes étroitement liés au programme Scorpion ?

COL de Kermabon : La mission principale de la DEPCIA à l’heure actuelle est de penser, rédiger et transmettre la doctrine du combat Scorpion. Nous réalisons cette mission au sein d’un organisme unique et particulièrement innovant créé en 2014. Il s’agit du Laboratoire du combat Scorpion (LCS), un forum d’échange à géométrie variable qui regroupe en son cœur : la DEPCIA, le Centre de doctrine et d’enseignement du commandement (CDEC) et la Force d’expertise du combat Scorpion (FECS). Il agrège, autour de ces trois organismes, les divisions des études et de la prospective (DEP) de l’ensemble des fonctions opérationnelles, ainsi que les centres d’entraînement spécialisés de l’armée de Terre, tous de formidables laboratoires d’expérimentation tactique pour tester cette doctrine et ces nouveaux matériels.

Nous avons un certain nombre d’autres partenaires civils et militaires qui appartiennent au second cercle de ce laboratoire du combat Scorpion. Et je tiens d’ores et déjà à préciser que nos camarades belges tiennent une place essentielle et centrale au sein de ce laboratoire. L’un des mes adjoints à la DEPCIA, par exemple, est un colonel de la Composante Terre belge issu de l’infanterie. Il y sert depuis deux ans, tout comme une douzaine d’autres officiers belges servent actuellement au sein du Laboratoire du combat Scorpion, que ce soit au CDEC ou dans les différentes DEP des fonctions opérationnelles, participants ainsi directement à la conception de cette doctrine.

COL Ait Ali : La FECS est également un organisme atypique appartenant au COME2CIA. Sa spécificité relève de ses trois missions principales. Comme son nom l’indique, la première de ces missions concerne les forces. Nous sommes là pour accompagner la transformation Scorpion des régiments des forces terrestres. Dans ce cadre, nous nous concentrons plus spécifiquement sur les régiments qui changent de matériels majeurs, actuellement ceux percevant le Griffon et demain ceux qui percevront le Jaguar. Nous les suivons tout au long de leur parcours de transformation et de préparation opérationnelle. L’un des grands rendez-vous est la PRETS, la période de restitution de la transformation Scorpion, pendant laquelle nous allons vérifier qu’ils ont bien tout assimilé et sont capables de tout restituer dans un cadre particulier, celui du combat de haute intensité.  Nous les faisons alors combattre face à un ennemi à parité, un ennemi du haut du spectre qui utilise tous les champs de la conflictualité, et nous vérifions qu’ils obtiennent bien le meilleur rendement de leurs nouveaux systèmes.

La deuxième mission, celle pour laquelle la FECS a été créée, relève de l’expertise. Nous appuyons les expérimentations et les évaluations de la Section technique de l’armée de Terre (STAT), en charge de vérifier que les matériels livrés correspondent bien aux spécifications. Je dispose donc d’un certain nombre de matériels et de systèmes d’information pour vérifier avec la STAT que ce qui nous est donné répond bien au besoin.

Et troisièmement, le combat Scorpion. Dans le cadre du LCS, la mission de la FECS est d’appuyer la production doctrinale et de vérifier une doctrine qui s’écrit avec deux horizons temporels différents : l’une, exploratoire pour 2030 et au-delà, et l’autre, plus proche et relative aux manuels d’emploi. Enfin, nous sommes missionnés pour réaliser du rayonnement et du retour d’expérience. Nous avons dès lors un pied dans chaque monde. Nous faisons de la formation et de l’instruction, tant individuelle que collective, et de la préparation opérationnelle, jusqu’à accompagner les unités dans leur projection en opération.

 

Si leurs missions diffèrent, DEPCIA et FECS travaillent donc main dans la main ?

COL de Kermabon : Nous devons en effet travailler en permanence en étroite coordination avec la FECS, c’est bien tout l’intérêt du laboratoire du combat Scorpion. Nos expertises ne sont ni séquentielles ni successives, elles sont imbriquées en permanence. La doctrine se nourrit du capacitaire pour optimiser les dernières évolutions technologiques que représentent nos nouveaux équipements. Le capacitaire doit également se nourrir de la doctrine, qui doit le guider pour que les produits répondent aux travaux prospectifs et aux ambitions de l’armée de Terre.

 
Un-cadre-pluto%CC%82t-quun-carcan-commenLe capacitaire doit également se nourrir de la doctrine, qui doit le guider pour que les produits répondent aux travaux prospectifs et aux ambitions de l’armée de Terre“, COL Loïc de Kermabon, commandant la DEPCIA (Crédits : Sébastien Lemaire/CFT)
 

Avec justement de premiers jalons franchis cette année par le déploiement au Sahel du SICS et de Griffon ?

COL Ait Ali : Effectivement, le cycle du retour d’expérience a toute son importance car il contribue à enrichir ce cercle vertueux. Nous prenons en compte ce qui a été constaté sur le terrain pour continuer à irriguer les réflexions.

La doctrine Scorpion sera « fixée » l’an prochain, il est cependant difficile de croire qu’elle ne continuera pas à évoluer régulièrement…

COL de Kermabon : La doctrine est bien le résultat d’un processus et d’une méthodologie vivants. La méthode adoptée, c’est celle du laboratoire du combat Scorpion. C’est à dire que le CDEC, qui est la tête de chaîne doctrinale de l’armée de Terre, réalise la doctrine exploratoire à base de réflexions, de brainstormings, mais également d’exercices tactiques en simulation. Cette doctrine exploratoire vient éclairer les travaux de la DEPCIA, qui va elle réaliser les travaux relatifs à la doctrine provisoire. Une doctrine provisoire dont le slogan du laboratoire traduit bien l’esprit, à savoir « une doctrine à l’épreuve du terrain ». Autrement dit, aucune doctrine, aucun document, aucun manuel n’est validé tant qu’il n’a pas fait l’objet d’une expérimentation doctrinale sur le terrain. C’est l’objectif d’un exercice comme Scorpion XI.

Cette doctrine s’applique par ailleurs à différents niveaux. En 2020, l’armée de Terre a validé le manuel de doctrine du sous-groupement tactique interarmes Scorpion, soit le niveau compagnie/escadron. L’objectif de l’expérimentation doctrinale Scorpion XI était cette fois d’éprouver et de valider le manuel du groupement tactique interarmes Scorpion et du poste de commandement de GTIA Scorpion. Le prochain jalon sera la doctrine d’emploi de la brigade interarmes Scorpion.

Quand ces manuels sont validés par le chef d’état-major de l’armée de Terre, ils ont une valeur qualifiée de provisoire qui doit être ensuite consolidée dans le temps grâce à un certain nombre de jalons, dont les RETEX des théâtres d’opération extérieure. Une doctrine n’est jamais définitive et elle ne doit pas l’être, car elle ne doit pas être dogmatique. Elle doit conserver cette capacité à s’adapter aux besoins de l’armée de Terre. Une doctrine est donc un cadre plus qu’un carcan.

 

Comment Scorpion XI a-t-il été conçu pour valider en une dizaine de jours ce « mode d’emploi » du GTIA Scorpion ? Quels seront les enjeux de l’édition 2022 ?

COL de Kermabon : La première cible était bien de valider le niveau GTIA. Mais l’expérimentation doctrinale, pour être complète et robuste, place ce GTIA dans son environnement de combat interarmes avec des unités subordonnées, sur le terrain, confrontées aux frictions du champ de bataille, ainsi qu’un état-major de BIA commandant trois GTIA. Cet état-major de BIA était notre second objectif d’observation. L’objectif était que cette expérimentation doctrinale soit la plus réaliste possible en plaçant le GTIA dans un environnement opérationnel crédible. Cette logique était déjà d’application lors de l’édition précédente, durant laquelle nous avons commencé à observer le niveau GTIA. En 2021, nous sommes donc montés d’un clic pour valider le niveau GTIA d’une part et observer le niveau BIA d’autre part, afin de mesurer toutes les conséquences de l’accélération du rythme de la manœuvre recherchée avec le combat infovalorisé. Scorpion XI aura pour cela impliqué environ 2500 militaires et un déploiement élargi du SICS, contre 750 pour l’édition précédente. 

En 2022, le niveau brigade deviendra l’objectif principal. Néanmoins, il n’est pas encore certain que nous étudiions le niveau division de la même manière. Il existe en effet un écart majeur entre les deux échelons. Il y aura un environnement divisionnaire, à l’instar de celui installé pour Scorpion XI, mais il ne sera en théorie pas question d’étudier ce niveau l’an prochain.

COL Ait Ali : Nous jouons la totalité de la chaîne de commandement mais l’échelon divisionnaire n’est pas encore au cœur des attentions, car Scorpion se concentre essentiellement sur le niveau GTIA. Ce qu’il faut garder à l’esprit concernant l’année prochaine, c’est qu’il y a des questions d’évolution technologique des produits qui vont nous être livrés ainsi que de consolidation des doctrines. Les objectifs pourraient évoluer au regard de ce qui sera constaté durant l’année, mais nous allons surtout consolider ce qui a été observé avec la BIA et, potentiellement, nous consoliderons l’échelon divisionnaire lorsque les outils seront là. Certains outils ne sont pas encore livrés, Scorpion ayant un calendrier de livraison incrémental.

 
Le-capacitaire-doit-e%CC%81galement-se-nScorpion XI confirme également le fait que l’infovalorisation facilite les échanges d’informations, la prise de décision et la transmission des ordres. Le tout participe à accélérer le rythme de la manœuvre,” COL Ait Ali, commandant la FECS (Crédits : Sébastien Lemaire/CFT)
 

Comment intégrez-vous de nouveaux paramètres, notamment technologiques, de nouvelles menaces, certaines étant immatérielles comme le cyber et la lutte informationnelle, ainsi que les objectifs de la Vision stratégique du CEMAT ? 

COL Ait Ali : La transformation Scorpion est irriguée par deux courants différents. L’innovation technologique d’une part, avec l’arrivée de technologies disruptives, l’immixtion de la robotique et de l’intelligence artificielle par exemple. L’évolution du contexte stratégique, d’autre part, qui est l’hypothèse d’un engagement majeur face à un ennemi du haut du spectre, disposant de moyens à parité et en mesure de nous contester la supériorité. Cette supériorité se décline dans les champs cinétiques mais également dans les champs immatériels, avec une supériorité pouvant s’affirmer dans le cyberespace et le spectre électromagnétique.

La transformation Scorpion telle qu’elle est opérée actuellement par le COME2CIA prend bien en compte ces deux aspects. Et l’objectif est bien de parvenir à livrer un tout cohérent, une capacité complète au décideur politique. Dans le cadre de Scorpion XI, nous avons par exemple joué des incidents qui font appel à des effets dans les champs immatériels afin de vérifier que les procédés sont bien maitrisés et efficaces sur le terrain.

Quant aux échanges avec d’autres échelons, il faut avant tout tenir compte des projets décrits dans la Vision Stratégique. Ces projets sont analysés par des « grands chefs de chantier ». Il y a des échanges directs à ce sujet entre les états-majors centraux et le COME2CIA via notre rattachement à l’état-major du CFT. La transformation est continue et elle s’appuie elle aussi sur le cycle vertueux de reconsidération systématique du contexte et des menaces.

COL de Kermabon : Cette dynamique Scorpion, qui nécessite une remise en question importante de nos habitudes de combat, s’inscrit parfaitement dans la dynamique instaurée par la Vision stratégique du CEMAT. Celle-ci consiste à bien replacer l’armée de Terre sur le haut du spectre en durcissant sa préparation opérationnelle. Ces deux dynamiques entrent en résonance et trouvent un formidable écho auprès des régiments. Scorpion XI en est un excellent exemple, en ce qu’il est l’incarnation de cette ambition de remise en question des habitudes. Ce formidable laboratoire doctrinal permet de se remettre en cause, d’essayer, de tester et au final de se donner les moyens d’atteindre nos ambitions.

Justement, quels premiers enseignements tirez-vous de l’expérimentation Scorpion XI ?

COL de Kermabon : Cette expérimentation nous a permis de confirmer nos hypothèses doctrinales sur l’organisation d’un poste de commandement de niveau GTIA, en adoptant une structure qui lui permet d’être à la fois plus mobile, plus discret, plus résilient, donc plus efficace sur le champ de bataille. Il reste naturellement quelques pistes d’amélioration pour affiner cette organisation du commandement.

COL Ait Ali : Scorpion XI confirme également le fait que l’infovalorisation facilite les échanges d’informations, la prise de décision et la transmission des ordres. Le tout participe à accélérer le rythme de la manœuvre. Enfin, les outils Scorpion offrent aux chefs une vision claire du dispositif, ce qui leur permet de prendre de meilleures décisions avec une certaine sérénité.

COL de Kermabon : Pour compléter, l’expérimentation doctrinale Scorpion XI nous a permis de confirmer la réalité du triptyque « comprendre plus vite, pour décider plus vite, pour agir plus vite » que nous offrent les nouveaux outils et la nouvelle doctrine du combat infovalorisé Scorpion.

Ya Rab Yeshua.

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

© Aumilitaire - Contact - CGU

×
×
  • Créer...