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Seabed Warfare ou guerre des fonds marins, nouvel enjeu pour la Marine nationale


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J'ouvre ce sujet dans le but de discuter avec ceux qui pourraient être intéressés et le faire découvrir à ceux qui ne le connaissent pas encore. N'étant pas un expert dans le domaine, il est tout à fait possible (et probable) que je fasse des erreurs. La critique constructive est donc très appréciée et demandée ! Bonne lecture.

Le concept du « seabed warfare », ou guerre des fonds marins, peut être défini comme étant l’ensemble des opérations se déroulant sur les fonds marins.

Les cibles de ces opérations sont généralement les câbles de communication (câbles de fibre optique par lesquels transitent le trafic internet et téléphonique), d’alimentation (câbles électriques) ainsi que les systèmes d’extraction de ressources naturelles (oléoducs sous-marins par exemple). Le seabed warfare s’inscrit aussi dans le nouveau schéma de « compétition permanente » décrit par le CEMA. Nul besoin d’être en guerre pour le pratiquer, il fait partie intégrante des phases de compétition et contestation ; la dégradation d’installations sur le fond marin par un état, en plus d’être difficile à prouver, n’est pas un acte de guerre.

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Image 1: Carte des câbles sous-marins 

Très récemment, l’archipel des Tonga a été coupé du monde lorsque qu’une éruption volcanique a sectionné leur unique câble sous-marin. 

De nos jours, près de 99% des communications mondiales transitent par de tels câbles, ce qui inclut aussi la quasi-totalité des transactions financières. La mise sous surveillance et la destruction de ces derniers par une puissance rivale aurait donc des conséquences potentiellement catastrophiques pour l’état visé. Il faut gagner la guerre avant la guerre, et donc être capable de protéger ces câbles. Si une puissance rivale base une partie de sa stratégie sur la destruction ou l’espionnage de ces moyens de communication, il est vital de la priver de cet avantage.

Si auparavant il était possible d’interdire l’accès d’un fond marin en dominant les eaux situées entre la surface et les 900m de profondeur (« verrouiller la toiture »), cela n’est plus possible avec la démocratisation des moyens de plongée profonde à moindre coût. Ces derniers, bien moins onéreux que lors de la guerre froide, ont pu être utilisés par des civils dans la recherche d’épaves telles celle du Titanic pourtant à des milliers de mètres de profondeur. Cela laisse donc songeur quant à un potentiel usage militaire par un état.

Plusieurs puissances sont dotées de tels moyens mais l’état ayant le plus d’avance dans le domaine n’est autre que la Russie. Avec une flotte d’anciens SNLE convertis en navires-mère pour sous-marins de poche, la marine russe possède une escadre complète dédiée aux opérations de guerre des fonds marins. Leur mini sous-marin Losharik est capable d’opérer à des profondeurs de l’ordre des 1 000m, voire plus. Certaines sources disent même que la marine russe dresse des bélougas (capables d’atteindre les 1 000m de profondeur) dans le but de les équiper pour des missions de renseignement/sabotage.

Les États-Unis ont récemment converti le SNA Jimmy Carter, et leurs futurs navires du bloc VI de la classe Virginia sont pensés pour le seabed warfare.

En avril 2021, une section de 4km de câbles appartenant au réseau de surveillance sous-marine norvégien est sectionnée puis enlevée en mer de Norvège, zone dans laquelle opère la flotte du nord de la marine russe.

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Image 2: Différents bâtiments de seabed warfare dont dispose la marine russe. Source: Covert Shores, Auteur: H.I. Sutton.

La question se pose donc. Comment pouvons-nous protéger nos câbles sous-marins ? Tout d’abord, il faut s’assurer que le câblier n’ait pas lui-même posé des dispositifs d’espionnage (cf. différentes affaires Huawei) avant de s’intéresser à la menace extérieure. Une fois cela fait, nous pourrons consacrer notre temps à la lutte contre les acteurs extérieurs qui viendront pour tenter d’interférer.

Avec une si grande superficie à couvrir et à de telles profondeurs, le réseau semble difficile à défendre. Difficile, mais pas impossible. En général, la contre-détection d’un sous-marin compromet sa mission car ce dernier perd sa furtivité et donc la possibilité d’opérer sans être vu et reconnu. Mais pour espérer la détection d’un tel sous-marin avant l’accomplissement de sa mission, il faut disposer de suffisamment de navires équipés en patrouille ou d’un réseau de détection fixe dans les zones à surveiller sans quoi l’initiative est du côté du sous-marin. Actuellement, la surveillance repose d’abord sur les entreprises exploitant les câbles. Ces dernières effectuent des contrôles réguliers afin de détecter les dégradations. La Marine nationale effectue quant à elle une surveillance renforcée et développe de nouveaux programmes en se basant sur ses moyens actuels. 

« Le développement de nouveaux programmes militaires à l’horizon 2027/2030 permettra de compléter et de prolonger les capacités d’action de certains moyens de guerre des mines, de navigation et de plongée autonome, d’hydrographie et d’océanographie, notamment avec les programmes SLAMF (système de lutte anti-mines futur) et CHOF (capacité  hydrographique et océanographique future). Ces futures plateformes navales seront capables de déployer et de mettre en œuvre des AUV grands fonds et des ROV grande profondeur. » Cols Bleus, numéro 3093 de février 2021.

Propositions (n’étant qu’un amateur mes connaissances dans le domaine sont limitées et ces propositions, lorsque vues par un expert, seront peut-être impertinentes voire ridicules):

-       Former davantage de DEASM et créer une nouvelle spécialisation « guerre des fonds ».

-       Revaloriser les chasseurs de mines tripartites lors de leur remplacement afin de les réutiliser en tant que navires spécialisés en seabed warfare (sonars à immersion variable, torpille MU90, voire drone filoguidé, etc). Cela sera toujours moins cher que la production d’un nouveau type de navire. De plus, un navire spécialisé aura toujours une meilleure disponibilité à cette tâche spécifique qu’un navire multi rôle qui pourra être mobilisé pour d’autres missions.

-       Si l’on veut se doter de moyens de guerre des fonds marins, revaloriser un ou plusieurs SNA de classe Rubis et l’équiper d’un drone filoguidé reviendra probablement moins cher que la conversion d’un SNLE et la mise au point d’un sous-marin de poche.

Je termine en citant l’amiral Vandier. « Le monde n’avance pas : il accélère. La courbe des tensions qui se nouent dans les relations internationales est exponentielle, comme celle des évolutions technologiques et des changements dans les comportements sociaux. » La guerre des fonds marins, nouveau champ de bataille impliquant nouveaux enjeux et nouveaux moyens que nous venons d’aborder en est un excellent exemple. 

 

Sources :

Amiral Vandier, Les enjeux de la Marine nationale aujourd’hui, Institut Français de la Mer (conférence disponible sur Youtube)

Capitaine de Corvette Olivier Bouzemane, Seabed Warfare : la Marine nationale à la conquête des abysses, Cols Bleus N°3093, février 2021

Laurent Lagneau, Comment la Marine nationale surveille les câbles sous-marins de communication ?

TeleGeography, service de cartographie des câbles sous-marins de communication

H. I. Sutton, Covert shores, site internet de renseignements en libre-accès traitant de la guerre sous-marine, http://www.hisutton.com

 

 

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